Le sujet est vaste et nous nous contenterons aujourd’hui d’y trouver un lien avec les souvenirs. C’est par le prisme du patrimoine émotionnel que nous voyageons sur ce blog. La famille est une brique très importante dans la construction des souvenirs.
L’affaire est complexe
Avant d’écrire ces quelques lignes, vous vous doutez bien que je me suis penché sur le sujet. Ce n’est pas un sujet, c’est un monde ! La famille a traversé le temps puisqu’à l’origine du monde, la notion de groupe existait déjà, puis l’antiquité où les penseurs ont débattu largement sur le sujet jusqu’à sa forme contemporaine qui ne cesse d’évoluer avec les nouveaux formats familiaux. En parallèle du temps, elle est étudiée par tous les courants de pensées. Les psychologues s’en donnent à cœur joie, les historiens, les sociologues, les philosophes, etc. Tous les secteurs de la pensée ont un avis sur la famille. Il semble que cela soit LE sujet commun à toute l’humanité depuis toujours. La famille est une expérience commune à toute l’humanité.
On marque donc un premier point : c’est une source inépuisable de souvenirs.
Quelle est la place de la famille dans nos souvenirs ?
Même si on fabrique des souvenirs en continu, l’espace familial est l’un des plus gros générateurs de souvenirs. Et en fait, c’est encore plus complexe que cela. La famille est présente indéfiniment dans nos vies et ce qu’elle génère, en termes de souvenirs est une sorte d’onde sinusoïdale. La famille a plusieurs niveaux de lecture en étant plus ou moins présente dans nos vies. Elle varie entre une présence très concrète puis s’efface. Elle ondule dans nos vies mais jamais, elle ne disparaît.
Une chercheuse de l’université d’Angers, Claudine Combier, a travaillé sur les photographies au sein des familles. L’ouvrage est très intéressant. Un article est paru avec son collègue, Emmanuel Graton, dans Ouest France.
La famille en 3 phases
Voici une proposition pour placer les souvenirs au sein d’une famille :
Phase 1
Le premier niveau de création de souvenirs est puissant : c’est notre enfance. À cette étape, nous ne sommes pas libres des actions que nous allons vivre. Nous fabriquons des souvenirs mais l’environnement de création ne dépend pas de nous. Je vais avoir des souvenirs de musique parce que mes parents m’ont orienté vers la musique. Au cœur de l’activité, je fabrique mes propres souvenirs et je reste libre de les classer par importance. Si j’avais fait du rugby ou du théâtre cela aurait été pareil, les souvenirs auraient été construits par les propositions de contenus imposés par les parents.
La structure familiale guide les enfants dans une vie faite de règles et d’expériences. Les souvenirs d’enfance sont générés par cette réglementation. L’enfant grandit comme son désir de liberté. L’opposition au modèle familial apparaît et la porte de l’adolescence s’équipe d’un verrou. Ces jeunes personnes, encore dans la cellule familiale, rêvent de liberté et commencent sérieusement à penser à quitter le nid. Apparaît alors une autre forme de souvenirs qui dépendent enfin d’eux. Je peux faire ce que je veux sans en parler à mes parents, je vais générer alors mes premiers souvenirs intimes et personnels.
Phase 2
Le deuxième stade est justement cette période. Vous voici face à vos propres souvenirs. Rappelez-vous cette période de la vie absolument fabuleuse où vous ne dépendiez plus de vos parents ! Cette période de grande liberté où vous n’aviez pas encore votre propre structure familiale. C’est à ce moment de la vie où la famille disparaît un peu des radars. Elle est là sous forme de carte et vous n’avez plus besoin de guide. C’est une période excitante mais délicate car votre vie dépend de vos choix et il ne faut pas se tromper.
On a tous un souvenir de ce type pendant cette période, reflétant une grande liberté. Il est bon d’ailleurs de garder en tête ces moments lumineux car ils sont utiles lorsque la vie nous ramène de l’ombre. Les souvenirs de cette période sont liés à l’expérience, voire les excès. On en parle d’ailleurs dans cet article.
Phase 3
La troisième phase est le retour de la famille dans votre vie mais sous une autre forme puisque vous allez la piloter ! La nature est ainsi faite et arrive le temps où l’on est prêt à construire sa propre structure familiale. On se retrouve alors dans cette posture incroyable qui est de porter l’autorité et d’imposer les règles à nos enfants. On est même capable d’orienter nos enfants vers nos envies frustrées de notre enfance… Le nombre de papa qui se voit footballeurs à travers leurs enfants… On est à l’origine des premiers souvenirs de nos enfants comme nos parents jadis. La seule chose qui change, c’est l’environnement et le monde tel qu’il est au moment de nouveau cycle.
La famille est donc un espace de structuration du souvenir. Elle ne les génère pas, elle les propose.
La famille génère donc trois types de souvenirs.
Ceux que nos parents veulent qu’on vive, ce que nous vivons librement, ceux qu’on invite à vivre..…
Faites ce petit exercice de tri. Arrivez-vous à retrouver des souvenirs des trois périodes ? C’est important de rechercher ces souvenirs, surtout ceux imposés car ils vous permettent ensuite de voir si vos souvenirs libres existent vraiment et si ceux que vous imposez à vos enfants ont été enrichis de cette liberté.
Enfin, il existe un dernier moment : c’est celui où nos enfants ont créé leur propre cellule et où il n’existe pas encore de petits-enfants. Là aussi, on retrouve la liberté du souvenir. On parle d’une deuxième jeunesse et ce n’est pas faux.
La famille est donc un espace de structuration du souvenir. Elle ne les génère pas, elle les propose.
P&P
Photo de couverture : @ANNIE LEIBOVITZ/AP/SIPA
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